King Kong Théorie – VIRGINIE DESPENTES
Dans « King Kong théorie », Virginie Despentes nous livre son avis sur les femmes et leur place dans notre société. C’est un essai féministe, coup de poing, qui ne laisse pas indifférent.
Le style est direct, parfois choquant, l’auteure n’y va pas par quatre chemins. Elle tente de heurter son lecteur pour le faire raisonner.
Sans cautionner ce qu’elle dit, cela m’a fait cogiter à des sujets auxquels je n’aurais pas forcément pensé, sous un nouvel angle. Ses propos nous ouvrent un peu l’esprit, amènent à RÉFLÉCHIR et poussent au débat. C’est pour cela que je vous conseille cette lecture.
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Résumé :
Essai sur la place de la femme dans notre société à travers différents sujets : le viol, la prostitution, la pornographie,… Via ses expériences personnelles, l’auteure nous explique sa vision des hommes et des femmes – comment et pourquoi nous n’arrivons pas à nous défaire de ces schémas sexués.
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Mon avis littéraire de « King Kong Théorie » de Virginie Despentes :
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Dès l’introduction, que j’ai adoré, elle nous met dans le thème :
« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand chose, de toutes façons je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas. »
Dans l’introduction de son livre « King Kong théorie », Virginie Despentes nous explique un peu qui elle est, non pas une superwoman mais une femme comme toutes les autres. Elle nous décrit les femmes qui la représentent et qui sont, comme nous, imparfaites et composées de différentes facettes.
Le livre est ensuite divisé en 4 chapitres, suivis de sa théorie de King Kong Girl puis de sa conclusion.
Chaque chapitre parle de la place de la femme à travers un thème : la société, le viol, la prostitution et la pornographie.
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Les deux premiers chapitres de « King Kong Théorie » m’ont vraiment fait écho et je les ai dévorés:
Dans le premier chapitre, elle parle des politiques, de la maternité, de l’apparence, du rôle de l’Etat ect…
Cependant, dès le début, Virginie Despentes explique que les hommes aussi sont des victimes de cette société genrisée. Elle n’est pas dans la haine des hommes, comme certains pourraient le penser, mais plutôt dans une haine de ce que cette société nous fait devenir.
Dans le deuxième chapitre, que j’ai trouvé très intense, elle raconte son viol et les différentes réactions que cela a suscité en elle.
Elle s’auto-analyse pour en tirer des observations sur cet acte : comment il est perçu dans notre société, comment les victimes s’en sentent honteuses, comment est perçu le consentement et cette agression aujourd’hui.
« Mais si ça a pu se faire au fond, c’est que la fille était consentante ».
C’est un chapitre assez dur mais le meilleur pour moi, surement car il fait écho a des mouvements qui ont commencé depuis quelques temps avec #balancetonporc ou #metoo.
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Dans le troisième chapitre, elle décrit comment / pourquoi elle en est arrivée à se prostituer; elle explique les raisons pour lesquelles la prostitution est mal vue et pourquoi ça ne devrait pas être le cas.
« Faire ce qui ne se fait pas : demander de l’argent pour ce qui doit rester gratuit ».
Selon elle,
« la sexualité des femmes hors amour est dégradante; et celle des hommes monstrueuse, asociale, menaçante »
Et c’est pour ça que la prostitution est mal perçue.
Ça m’a gêné car elle glorifie cette activité, à la lire on aurait limite envie de s’y mettre, tellement ça a l’air génial. Peut être a t-elle eu de la chance, et cela a été bénéfique pour elle, mais elle tait tout un côté violent et difficile que certaines vivent quotidiennement.
« Celles qu’on baise gratuitement doivent continuer de s’entendre dire qu’elles ont le seul choix possible, sinon comment les tenir ? La sexualité masculine en elle-même ne constitue pas une violence sur les femmes, si elles sont consentantes et bien rémunérées. »
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Dans le quatrième chapitre « Porno sorcières », elle se questionne sur la pornographie et pourquoi est-elle si mal vue dans notre société.
Pour elle, nous sommes hypocrites, car le porno sert de défouloir, il démocratise notre rapport au sexe et permet de dire la vérité sur nos désirs. Or, une fois qu’il remplit son rôle, personne n’assume pleinement, il est important que la sexualité fasse peur. De plus, c’est l’apanage des hommes, qui
« le mettent en scène, le regardent, en tirent profit et le désir féminin est soumis à la même distorsion : il doit passer par le regard masculin ».
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Pour finir, Virginie Despentes expose sa King Kong Théorie.
Elle fait un parallèle entre le fameux film et la place de la femme dans notre société patriarcale. Je n’ai pas adhéré ou peut-être pas vraiment compris ce passage. A mon sens, cette métaphore est un peu tirée par les cheveux. Je vous laisse la découvrir 🙂
Elle finit son essai sur une conclusion nommée « Salut les filles »,
Une partie un peu plus optimiste du livre « King Kong théorie » (ouf!) où Virginie Despentes souhaite une émancipation des femmes ET des hommes. Une aventure collective, un appel à « tout foutre en l’air »…
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L’auteure, Virginie Despentes :
Pour mieux comprendre cet essai, il faut aussi présenter Virginie DESPENTES. Toutes ses œuvres ont été impactées par sa vie, et elle parle de certains événements dans « King Kong Théorie », il est donc essentiel de connaitre un peu sa biographie en s’attaquant à cet essai.
Née en 1969 à Nancy, elle vit une adolescence agitée et se fait internée contre son gré en hôpital psychiatrique. S’en suit une déscolarisation et une vie de vagabondage en France. Alors qu’elle a 17 ans, en faisant du stop avec une amie pour revenir de Londres, elle est victime d’un viol.
Elle passe ensuite son BAC en candidat libre et enchaîne les petits boulots pour survivre. C’est à cette époque, qu’elle se prostitue occasionnellement et pendant presque deux ans.
En 1992, à 23 ans, elle écrit le livre « Baise-Moi » : une sorte de Thelma et Louise trash, violent et sexuel. Son roman, qui est au départ refusé par les maisons d’éditions, sera finalement édité et vendu plusieurs milliers d’exemplaires.
Suite à son succès, elle continue d’écrire des livres dont « Les chiennes savantes », un roman policier. Puis elle écrit « Les Jolies choses » qui sera adapté au cinéma avec Marion Cotillard et Stomy Bugsy en 2001. Et enfin « Mordre au travers » un recueil de nouvelles sur les femmes.
En 2000, sort le film tiré du livre « Baise-moi« . Virginie DESPENTES le co-réalise avec Coralie TRINH THI, actrice pornographique qui a reçu le Hot d’Or. Dès 3 jours après sa sortie, le film est interdit suite à une tribune relayée dans Le Nouvel Observateur et écrite par les associations féministes, les milieux catholiques et l’extrême droite. Le Conseil d’Etat finira par interdire le film aux moins de 18 ans uniquement dû au caractère pornographique du film.
Elle sortira ensuite plusieurs livres : King Kong Théorie (2006), Apocalypse Bébé (Prix Renaudot 2010) puis la trilogie Vernon Subutex (entre 2015 et 2017).
En 2016, elle est devenue membre de l‘Académie Goncourt. Elle est en effet considérée comme une auteure importante, libératrice des mœurs. A bientôt 50 ans, elle est devenue une figure de la communauté lesbienne et du féminisme.