Les gratitudes – DELPHINE DE VIGAN
Après avoir lu de la même auteure « Rien ne s’oppose à la nuit » dont j’étais ressortie mitigée et « D’après une histoire vraie » que j’avais beaucoup aimé, je viens de lire le roman « Les Gratitudes » de Delphine De Vigan qui m’a également laissé une impression mitigée. Découvrez ci dessous ma critique littéraire :
Résumé :
Les mots de Michka se mélangent, s’échangent et se perdent. Elle, qui était correctrice dans un journal, une amoureuse des mots, a chaque jour de plus en plus de peine à s’exprimer… Ne pouvant plus vivre seule, elle intègre un EPHAD. Autour d’elle, gravitent Marie, une jeune femme aussi proche d’elle qu’une fille et Jérôme, son orthophoniste, qui va tenter de l’aider à retenir ses mots.
——————-
Mon avis littéraire :
C’est un roman sur une période à laquelle personne n’a envie de penser : la vieillesse. Période qui s’accompagne inévitablement d’une perte de capacités qu’elles soient physiques ou mentales, minimes ou importantes. Et nous n’y échapperons pas si nous vivons assez longtemps pour vieillir et autant dire que ce n’est pas un sujet gai ^^.
Delphine De Vigan arrive à en sortir une histoire émouvante, délicate et subtile. Mais justement, peut-être un peu trop édulcorée comme histoire? Un monde idéalisé, un peu à la Anna Gavalda et la petite Paulette dans « Ensemble c’est tout »… Ce choix d’écriture nous fait passer à côté de la dureté du sujet mais, peut-être est ce un choix de l’auteure de nous donner une petite parenthèse d’émotions positives car la réalité est trop dure à encaisser ?
——————-
Les personnages :
Au centre de ce livre, il y a Michka. Michka, attendrissante et attachante, qui perd peu à peu le fil de ses mots, et nous donne à lire des conversations cocasses, drôles et décalées… Et heureusement car elle m’a fait sourire dans cette histoire qui, au final, reste triste. Triste car nous avons tous une Michka, en vie ou déjà partie: un grand-parent, un parent, ou un futur nous dans quelques (longues je l’espère) années. Cependant les mélanges de mots ne sont restés pour moi qu’une conséquence de sa maladie et non l’atout du livre. Ce sont surtout les liens qu’elle entretient avec Marie et ceux qu’elle créé avec Jérôme, ainsi que les passages autour de sa dernière volonté qui m’ont émue.
De sa « nouvelle vie », Jérôme et Marie nous servent d’observateurs. Régulièrement présents, ils nous offrent leurs émotions et pensées. Jérôme en tant qu’ « habitué » et Marie en tant que proche, désarmée face à la situation. Personnages au passé riche, j’aurai aimé en apprendre davantage sur eux mais le cœur du roman se devait sans doute de rester Michka. De plus, en développant ces personnages, le roman ne serait plus resté aussi court, or c’est une qualité à mon sens vu l’histoire.
—————————
Pour conclure
Selon Le Larousse, Gratitudes signifie « Reconnaissances pour un service, pour un bienfait reçu ; sentiments affectueux envers un bienfaiteur ».
Dans « Les Gratitudes », Delphine De Vigan nous souffle de les exprimer à ceux que nous aimons avant qu’il ne soit trop tard.
—————————
Extraits:
« – Tu as déjà essayé ?
– J’aime pas. Il y en a une qui répond à tout, comme ça, du tic au tic. . . pas une seconde d’hésitation. À brûle-pourpoint, elle dit la bonne réponse. Elle connaît tous les mots possibles et imaginaux, elle fait la fière, tu vois, ça me tagace. Pourquoi elle vient, si elle sait déjà tout ? En plus, elle pourrait s’habiller, eh ben non, même pas, elle passe sa vie dans une robe des champs comme si c’était du plus grand choc, tu vois…»
« Quand je les rencontre pour la première fois, c’est toujours la même image que je cherche, celle de l’Avant. Derrière leur regard flou, leurs gestes incertains, leur silhouette courbée ou pliée en deux, comme on tenterait de deviner sous un dessin au vilain feutre une esquisse originelle, je cherche le jeune homme ou la jeune femme qu’ils ont été. Je les observe et je me dis : elle aussi, lui aussi a aimé, crié, joui, plongé, couru à en perdre haleine, monté des escaliers quatre à quatre, dansé toute la nuit. Elle aussi, lui aussi a pris des trains, des métros, marché dans la campagne, la montagne, bu du vin, fait la grasse matinée, discuté à bâtons rompus. Cela m’émeut, de penser à ça. Je ne peux pas m’empêcher de traquer cette image, de tenter de la ressusciter.»