Les indésirables – DIANE DUCRET
À la lecture du résumé de “Les indésirables” de DIANE DUCRET, la 4ème de couverture m’a induite en erreur. Je m’attendais à une histoire feel-good inventée, en découvrant qu’il s’agissait de l’histoire d’une aryenne et d’une juive chantant l’amour et la liberté en allemand dans un cabaret pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais, laissez-moi vous dire, ce livre est bien plus que cela…
Résumé :
En mai 1940, avant même la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne, le gouvernement français décide de regrouper les individus d’origine allemande dans des camps. Parmi les victimes de cette politique, on retrouve des femmes célibataires ou mariées sans enfant, parquées au Vélodrome d’Hiver avant d’être déportées au camp de Gurs, dans les Pyrénées.
Parmi ces milliers de femmes qualifiées d' »indésirables » par l’État français, deux destins se croisent. Celui d’Eva, pianiste ayant abandonné sa Bavière natale pour s’installer à Paris, et celui de Lise, une jeune juive ayant fui l’Allemagne nazie avec sa mère. Ensemble, elles luttent pour survivre dans des conditions difficiles, s’efforçant de ressentir un peu d’amour et de joie au milieu de l’adversité.
Mon avis littéraire
Une histoire romancée …
Les Indésirables de Diane Ducret est bien écrit et se dévore rapidement, on suit nos deux personnages dont la force de caractère et leur amitié leur permet de survivre dans le camp.
Cependant, l’auteure, sans dissimuler la réalité mais sans s’attarder sur l’horreur des camps non plus, fait le choix de mettre en lumière le côté beau et positif de l’histoire. Pour ma part, cette approche a parfois maintenu une distance émotionnelle à l’égard des personnages, car je peinais à y croire totalement.
L’histoire de la mise en place d’un cabaret dans le camp m’a aussi induite en erreur (élément central dans le livre). J’ai perçu cette partie de l’histoire comme un élément romanesque, alors qu’il s’est révélé être une réalité authentique! Et quand on a cela en tête, ça change complètement notre lecture.
…pour décrire l’Histoire (avec un grand H)
La force du livre Les Indésirables de Diane Ducret réside à mon sens dans la documentation approfondie de l’auteure, qui est d’ailleurs mentionnée au début du livre.
Cela m’a incité à effectuer des recherches complémentaires après ma lecture pour élargir mes connaissances, ma compréhension du camp de Gurs et son importance historique. Ces éléments renforcent davantage la valeur du livre en tant que témoignage poignant et bien documenté de cette période oh si peu glorieuse pour la France.
Au coeur du musée de l’immigration, au Palais de la porte Dorée à Paris, que j’ai visité par hasard pendant ma lecture, les indésirables sont d’ailleurs mentionnés :
En septembre, après son entrée en guerre contre le Reich, la France décide d’interner, en tant qu ‘”ennemis”, les Allemands et les Autrichiens vivant sur son sol, y compris les réfugiés antinazis. Après de nombreuses libérations pendant l’hiver, les arrestations reprennent en mai, au moment de l’offensive allemande. Cette fois, elles visent aussi les femmes, jusque-là épargnées. Les camps se transforment en piège: la convention d’armistice de juin 1940 prévoit de livrer les réfugiés antinazis internés à la demande des autorités d’Occupation.
Musée de l’immigration à Paris
Pour rappel, d’apès l’amicale du camp de Gurs, on désigne sous le terme “Les indésirables” : “les hommes et les femmes dont la nationalité ou l’engagement politique sont incompatibles, aux yeux de l’administration française, avec la sécurité publique d’un pays en état de guerre. »
J’ai découvert que de nombreux artistes et personnalités juives de l’époque ont transité par ce camp. C’est le cas notamment de Charlotte Salomon (je ne peux que vous conseiller le livre de David Foenkinos “Charlotte” qui retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans).
Il est intéressant de noter qu’au début du livre, l’auteure partage une note où elle dévoile les personnes réelles qui ont inspiré ses personnages.
- Hannah Schramm
- Eva Lewinski
- Hannah Arendt, qui a écrit les poèmes qui ponctuent le roman et qui est aussi mentionnée dans le musée de l’immigration:
Pendant sept ans, nous essayâmes ridiculement de jouer le rôle de Français – ou tout au moins de futurs citoyens; mais au début de la guerre, on nous interna en qualité de “boches” comme si de rien n’était.
Extrait de nous autres réfugiés, Hannah Arendt, philosophe, réfugiée allemande, internée au camp de Gurs en mai 1940.
- Hella von Tranow Bacmeister : Hella Tarnow a été internée de sa propre volonté. A l’époque de Vichy, elle a un statut de volontaire bénévole au sein des ONG enfermées dans le camp.
- Elsbeth Kasser, membre du Secours suisse, infirmière au camp.
- Le commandant Davergne chef du camp entre 1939 et 1940.
L’identité réelle de ces deux derniers est mentionnée dans le livre pour “rendre hommage à leurs actes de dévotion et de bravoure trouvés dans de nombreux témoignages écrits, qui permirent à nombre d’hommes, de femmes, et d’enfants de survivre”.
Pour conclure
Ce sont les faits historiques qui apparaissent dans le récit qui ont captivé mon attention, plus que les personnages.
Je vous conseille donc la lecture du livre Les Indésirables de Diane Ducret en ayant en tête que sous le roman se cache un livre documenté et historique passionnant!
Si vous appréciez les romans sur la seconde guerre mondiale, je vous invite à découvrir également Le Chant du Rossignol – KRISTIN HANNAH (un de mes coups de cœur) et La trilogie Berlinoise – PHILIP KERR (que j’ai aussi adoré!).
Extraits
“On s’habitue tant aux pires prisons, sur les murs desquelles on a tapé, pleuré, espéré, que les quitter, c’est quitter une partie de soi. L’être humain est une bien curieuse créature, capable de nostalgie pour ce qu’elle a détesté”
“Peu importe l’organe par lequel elle frappe les sens, ce peut-être l’ouïe, l’odorat ou la vue, la beauté peut guérir les hommes de tous les maux. Aussi faut-il ici plus qu’ailleurs, les baigner dans tout ce que l’art a produit de meilleur.”